Ce film, je l’aime, au moins autant que je l’avais trouvé ridicule, surfait, maladroit et boursouflé à l’époque de sa sortie. Comment expliquer que, chaque fois qu’il repasse sur les écrans, je me précipite ? A quoi cela tient-il ? Peut-être l’attrait pour le cinéma de David Lynch, dont j’ai appris à apprécier par la suite ses œuvres plus personnelles. Peut-être le potentiel gigantesque du projet, dont on a l’impression de ne voir que des ébauches. Peut-être le caractère définitivement décalé de la plupart des scènes où ce diable de cinéaste semble reprendre (avant de les flinguer) tous les poncifs du cinéma d’aventures et de science-fiction.
Objet étrange et fascinant, parfois risible, parfois grandiose, fruit d’un travail titanesque sur l’une des adaptations les plus casse-gueule qui soient (Lynch y a consacré plus de trois ans de labeur et, malgré un excellent démarrage la semaine de sa sortie, n’a pas atteint les bénéfices escomptés – ce qui a coupé court au projet de suites adaptés du Messie de Dune et des Enfants de Dune), le roman fleuve de Herbert est ici condensé à outrance, d’où les voix off (et cette technique très imparfaite mais finalement géniale de voix intérieure, qui agrandit l’espace filmique), les très nombreuses ellipses, les compressions temporelles et cette sensation de voir un casting monumental passé à la moulinette : Linda Hunt, Virginia Madsen et Max von Sydow ne font que des apparitions, Jürgen Prochnow et José Ferrer sont à peine plus présents à l’écran. Les fans apprécieront les performances de Brad Dourif et Patrick Stewart (ça fait tout de même bizarre de voir le professeur Xavier se battre à cheval sur un ver des sables). On remarquera aussi la présence de Freddie Jones, d'Everett McGill et de Jack Nance qui montre que Lynch aime s’entourer de ceux qu’il connaît. Tout de même, quand on pense au projet original de Jodorowsky qui voulait engager Salvador Dali comme Empereur et Orson Welles pour le rôle du Baron, il y a de quoi gamberger…
Si les effets spéciaux visuels font sourire (surtout le déplacement des vaisseaux en incrustation ou les tirs des canons laser qu’on croirait issus d’un épisode de San Ku Kai), certains autres, comme les vers des sables, tirent leur épingle du jeu, malgré la répétition de certains plans. On se rend compte que Lynch ne s’est pas contenté de placer des images de décors futuristes (mal mis en valeur à cause des problèmes liés à la construction de ceux-ci : les 80 plateaux bâtis en dur se sont révélés inadaptés aux caméras prévues, d’où une impression de platitude et de statisme navrant dans les scènes d’intérieur) au contraire, mais s’est concentré sur les personnages-clefs, donnant à McLachlan un rôle sur mesure, celui d’un Messie en proie au doute mais rattrapé par son destin. La litanie des questions que se posent les personnes qui croisent sa route (« Est-il l’Elu ? ») peut agacer, mais elle confère à l’ouvrage un aspect décalé, plus mystique que véritablement SF. Du coup, si on y adhère, le film passe assez facilement et on se surprend à trouver la fin christique expédiée trop vite.
Pas vraiment une réussite du cinéma de SF, mais une œuvre intrigante qui gagne à être vue – et dans de bonnes conditions.